Nous ne serons plus jamais les mêmes…

Chères toutes et chers tous,

Vous avez vu les récentes photos de notre périple sur une île qu’on aurait trouvée, en d’autres espace-temps, paradisiaque à s’en crever les yeux.

Comment continuer ce site, comment l’arrêter? Nous avions choisi d’utiliser cette plateforme pour partager notre joie et faire transpirer ce trop-plein de bonheur absorbé au fil de nos découvertes. Cela fait-il sens, dans ces conditions, d’interrompre cette marche alors qu’elle est nécessaire plus que jamais ?

La prophétie annonciatrice liée au choix du nom «Insula » n’aurait su être plus fourbe. Une île latine, certes, mais surtout la redécouverte d’un morceau complexe et pourtant si élémentaire de notre fonctionnement cérébral, celui destiné à relier les sensations à la conscience… on ne croyait pas si bien dire en ces temps d’isolement, chacun sur nos îles.

Je ne m’arrêterai volontairement pas ici sur les tragédies économiques, sanitaires et humaines provoquées par cet ennemi invisible et pernicieux. On en avale plein les nouvelles, on en bouffe plein les téléphones, on en chiale comme on n’aura jamais autant chialé. On s’affaire à sauver les meubles de l’économie alors que les catastrophes sociales vont s’en suivre, avec lesquelles les gens de mon métier bricoleront de bric et de broc pour limiter les dégâts… Je ris amèrement, au passage, en repensant aux récentes levées de pancartes des « fonctionnaires » : ces enseignants, infirmières, policiers, tellement bien payés qu’on leur enlève du salaire au gré de l’économie, tellement « à l’abri » qu’on leur coupe leurs retraites. Quelle grasse ironie de réaliser que ceux-là même qui étaient montrés du doigt pour leur révolte sont aujourd’hui au front à sauver nos vies et le système d’une société toute entière.  

Alors heureusement, il y aura bien un « après ».

Et après, nous ne serons plus jamais les mêmes.

L’utopie des abîmes me fait regarder la montagne depuis l’autre vallée. Après, nous oserons peut-être penser que ce fantôme sournois avait quelque chose de secrètement délicieux. Qu’il nous a fragilisés au point de nous faire respirer un vent que nous n’étions plus à même de percevoir. Qu’à nous forcer aux distances, il nous aura offert le paradoxe de la reconnexion à une proximité sociale pure et sincère. Saurons-nous préserver ces racines d’humanité retrouvée?

Aujourd’hui on s’inquiète pour l’autre, on s’entre-aide, on prend le temps de se parler, de se parler vraiment, de s’écouter, de s’écouter vraiment. Une sorte de pleine conscience forcée qui nous pousse dans nos derniers retranchements et fait éclore des perles de créativité dans nos âmes assoupies.

Nous ne ressortirons pas indemnes de cette grosse claque humaine, et c’est peut-être une sacrément bonne nouvelle si vous voulez mon avis.

Nous ne serons plus jamais les mêmes et tant mieux. Nous comprendrons peut-être enfin le sens du lien, resituerons les priorités de nos possessions, le circuit des « choses », comprendrons l’absurdité d’une dépendance à un système alimentaire toxique alors ce coin de verdure sur lequel nous vivons aurait tout pour faire pousser ses propres produits (ou plutôt, des produits propres, mdr), nous valoriserons peut-être les métiers de l’humain à leur juste mesure… Nous oserons, qui sait, tenter la différence créative plutôt que l’assourdissant conformisme.

Alors oui, j’espère bien qu’après, nous ne serons plus jamais les mêmes.

insula Écrit par :

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